Le groupe industriel JCDecaux s’est d’abord fait connaître en s’enrichissant dans la publicité à partir du milieu des années 50 puis en étendant son champ d’activités dans plusieurs rouages de la domination capitaliste et étatique.
En échange de l’installation « gratuite » d’abribus pour les municipalités, JCDecaux a carte blanche pour investir villes et périphéries d’encarts lumineux et d’écrans – petits et grands – dans lesquels s’étalent des milliers de mètres cube d’affiches et spots publicitaires. Son travail de lobotomisation des cerveaux est reconnu « d’utilité publique » par l’Etat.
Quasiment toutes les principales villes de France (Paris, Marseille, Toulouse, Lyon, Strasbourg, Dijon, Nantes…) ainsi que Besançon sont sous contrat avec JCDecaux. Son empire s’étend à travers l’Europe et le monde : la firme s’enrichit de ses affichages dans les gares, aéroports, transports, centres commerciaux et pôles d’activités tertiaires de plus de 60 pays de la planète. En plus d’être la vitrine de ce monde d’exploitation et d’oppression, ce « mobilier urbain » est bien évidemment utilisé comme instrument de propagande par les mairies locales et les entreprises qui oeuvrent au bon fonctionnement de la société : que ce soit pour mener les campagnes contre les « incivilités » dans les transports (ciblant essentiellement les fraudeurs), pour promouvoir des soirées culturelles d’assoc’ qui participent à l’embourgeoisement ou pour inculquer l’obéissance et la servilité à la population.
Il y a près de 10 ans, l’entreprise s’est lancée dans la marchandisation de vélos « libre-service ». Ce service de transports péri-urbains est présenté à travers la campagne marketing de la boîte comme étant doux et écologique. Comme souvent en ce qui concerne nos déplacements au sein des villes et des métropoles, qu’ils soient réalisés en tram, bus, métro ou voitures auto-partage, le vélo de JCDecaux n’échappe pas au contrôle et au fichage de celles et ceux qui l’utilisent. Le système GPS intégré à chaque vélo ainsi que les coordonnées personnelles de l’individu nécessaires pour s’y abonner permettent de réunir de multiples informations dans la base de données de la multinationale, comme par exemple les habitudes de consommation et lieux de de fréquentation (cf. encart).
Qu’en est-il de la production de ces vélos ?
La construction de ces vélos de location est assurée par ‘Lapierre’, filiale de la multinationale néerlandaise ‘Accell group’. Le siège de ‘Lapierre’ se trouve à Dijon (8, rue Edmond Voisenet). Mais c’est en Hongrie, notamment dans la ville de Tószeg, située à 120 km au sud-est de Budapest, que JCDecaux produit ses vélos de location… et pour pas cher: en effet, la boîte exploite les ouvriers pour deux euros de l’heure, soit 354 euros par mois. Ils y travaillent en moyenne 5 jours par semaine quasiment 8h journalières sans interruption.
Lancé en septembre 2007 à Besançon, le ‘vélocité’ (pour son appellation locale) est destiné à attirer une population branchée et aisée, qui vibre pour tout ce qui est transport doux (c’est également l’argument commercial du tramway). Ce n’est pas un hasard si l’installation des stations de vélos (30 au total sur Besançon) se fait au sein de quartiers réévalués et en voie d’embourgeoisement. Fin avril 2015 à Besançon, plusieurs stations de vélocités ont été enlevées pour être redéployées dans des quartiers d’hôtels et de commerces et proches des stations de tramway, comme aux ‘Chaprais’ ou à ‘Fontaine Argent’, où de nouvelles copropriétés pour riches voient le jour. Relier les transports doux (tram, vélocité et voitures d’auto-partage ‘Citiz’) est source de profits pour promoteurs et aménageurs. Les quartiers périphériques et populaires de Besançon comme ‘Clairs-Soleils’, ‘Les 408’ ou ‘Planoise’ ont volontairement été évités par la multinationale. Car il faut au moins 150 euros sur un compte bancaire et autres frais pour l’utiliser. C’est donc pas étonnant que les pauvres des grandes villes (Paris, Lyon, Toulouse, Marseille…) éprouvent une haine féroce pour ces produits du capitalisme vert, dont les vols et dégradations s’élèvent chaque année à plusieurs milliers d’euros.
JCDecaux a trouvé la parade : faire payer en heure de TIG les mineurs (ou pas) inculpés pour vols/dégradations de ses vélos. En collaboration avec la PJJ, les juges et juges pour enfants, l’entreprise jouit de la bénédiction de l’Etat, qui reconnaît son système de vélos comme un « service public ». La multinationale participe officiellement aux programmes de « réinsertion » pour les prisonniers et profite des mesures judiciaires de « réparation pénale » et de « peine alternative ». Autrement dit, les personnes condamnées pour dégradations purgent leurs peines à bosser gratuitement 6h par jour dans les ateliers de réparation, qui sont gérés par sa filiale ‘Cyclocity’. Cela constitue un intérêt capital pour l’entreprise, mais aussi pour l’Etat à qui cela permet d’économiser des procédures judiciaires et de désengorger ses prisons pour jeunes (EPM, CEF, CER..) N’importe quel prisonnier qui bosse derrière les barreaux est déjà payé une misère (entre 20 et 45% du SMIC). Mais dans ce cas-là précisément, il existe un mot pour qualifier cette exploitation: l’esclavage.
La publicité, la prison et l’exploitation du capital ne laissent aucune place au débat et à la discussion. Passer par l’attaque et le sabotage de ces installations et de ces infrastructures est une façon de se libérer un peu plus des chaînes de cette société. JCDecaux est présent quasiment partout sous diverses apparences, ce qui ouvre des possibilités énormes pour nuire à ses sales activités.
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Voici une liste chronologique de destructions multiformes contre JCDecaux ces derniers temps. Bien sûr, elle est loin d’être complète, étant donné que les chiffres des dégâts nous sont fournis par les médias et sont en réalité souvent supérieurs):
– 15 avril 2014, Paris : dans les 10ème, 11ème et 12ème arrondissements ainsi qu’à Montreuil, les pneus de 453 Vélib’ sont crevés contre l’esclavagiste de prisonniers JCDecaux.
– 7 mai 2014, Paris : 80 vélib’ se déglonflent, ainsi que trois camionnettes et un camion de la mairie de Paris qui collaborent à l’exploitation de prisonniers.
– 20 mai, Paris : « 453 Vélibs ont leurs pneus crevés dans plusieurs arrondissements. Idem pour 5 utilitaires et 3 camions de la mairie. Cette attaque ne représente qu’une goutte d’eau dans les 8000 dégradations qu’ils subissent en moyenne par an sur la capitale. »
– 8 novembre 2014, Besançon : une vingtaine de vélocité sont mis hors-service par crevaisons.
– 23 novembre, Besançon : 11 abribus et ses pubs sont explosés en plein après-midi à la périphérie de la ville. Malheureusement, une personne est interpellée.
– 24-30 novembre 2014, Toulouse : JCDecaux « a droit à deux soirées de casse. L’une d’elle a coûté 21 445 € exactement, et l’autre 12 129 €. Pas moins de 250 panneaux publicitaires sont dégradés. »
– 26 novembre 2014, Besançon : vers 1h30, un homme choisit de soigner sa « dépression » en défonçant trois abribus sur l’avenue Léon Blum. Il se fait malheureusement interpeller et placer en GAV.
– 8 février 2015, Bordeaux et sa périphérie : 45 panneaux de pub sont détruits, ce qui fait 90 vitres à remplacer pour la société. Des tags contre la pub sont inscrits sur le mobilier urbain.
– Mai 2015, Besançon : une trentaine de vélocités se font crever les pneus en solidarité avec les révoltés de ‘Planoise’ et des ‘408’.
– 27 mai 2015, Paris : une camionnette ‘JCDecaux’ part en fumée. Le sabotage incendiaire est réalisé en solidarité avec les anarchistes incarcérés en Espagne.
– Fin mai / début juin 2015, Toulouse : abribus et publicités sont la cible de « destructions régulières » sur la voie du TOEC. Aucun chiffre des dégâts n’est communiqué par la presse.
– Mi-août 2015, Aurillac : durant le célèbre festival de rue international, une soixantaine de pubs et d’abribus sont défoncés par des anarchistes.
Entre 2010 et 2013 à Besançon, pas moins de 800 actes de destructions ont été recensés par la mairie contre les panneaux de pub et abribus JCDecaux. Les dégâts s’élèvent à plus d’un million d’euros.
En savoir plus : http://attaque.noblogs.org/post/tag/jcdecaux/
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Besançon en voie de devenir une « Smart city »
Soit « la ville intelligente », qui est vouée à répondre aux besoins de l’économie en favorisant les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). La mairie socialiste, après avoir réaménagé l’urbanisme de la ville avec tramway, complexes d’habitations de luxe et centres commerciaux, s’apprête à lancer le wifi-gratuit dans le centre-ville. Le but est de faire avaler aux gens de la publicité ciblée toutes les demi-heure sur leurs téléphones dernier cri. Après avoir rempli toutes ses coordonnées personnelles, le porte-feuille sur pattes pourra être suivi à la trace partout, se verra suggérer des annonces publicitaires ciblées selon ses goûts de consommation etc… La mairie y voit une aubaine pour relancer la consommation au centre-ville, processus déjà engagé avec les « Samedis piétons ». Et J-CDecaux est évidemment un des principaux bénéficiaires de ce concept innovant.
Avant de boucler ce numéro, on apprend qu’un chantier a débuté mi-août dans la rue Moncey au centre-ville. Il s’agit pour la municipalité d’installer de la fibre optique, entre autres pour améliorer la transmission d’images et les flux de données des caméras de surveillance (officiellement « mettre à jour les réseaux électriques »). Le chantier, réalisé par l’entreprise BTP ‘Sobeca’, durera au moins jusqu’en novembre prochain. Ca laisse le temps d’aller y mettre son grain de sable dans l’engrenage de la domination. …