Les « 408 » en guerre contre le pouvoir et ses outils de contrôle

Crevons-721x1024Comme partout, Besançon est une ville-prison sans cesse en aménagement. La surveillance se fait à la fois par la rénovation urbaine liée au tramway (élargissement, aplanissement et éclairage plus important de l’espace urbain) mais aussi avec le quadrillage de l’espace urbain par d’innombrables caméras (près de 1000 sur tout le réseau de transports GINKO, à l’intérieur des tram et des bus, ainsi qu’aux stations, aux abords des parkings RELAIS et le long du trajet de tram). Outre le fait de garantir la bonne circulation du tram-tram quotidien, tout cela a pour but de faciliter entre autre le travail des forces répressives.

Les “408”, un ensemble de barres HLM où se concentre la misère humaine, est actuellement le seul quartier à ne pas avoir été aménagé, où architectes et flics hésitent plus d’une fois à y foutre leurs sales pattes.

Face à cette révolte sporadique mais continue [1], la mairie a annoncé courant février que le quartier allait être rénové dans les années à venir : certains blocs seront démolis (l’un est programmé pour 2016; l’urbanisme sera repensé dans l’esprit pacificateur et de contrôle du pouvoir. Comme partout, ceci rentre dans la logique de la domination d’en finir avec ce nid de révolte et de solidarités concrètes qui s’y créés.

A maintes reprises, les attaques contre les yeux de l’Etat ont pris différentes formes: des tentatives de section et d’incendie des fils d’alimentation jusqu’à la section totale du mât (avec à la clé le vol de la caméra [2]) . Depuis peu, c’est l’alimentation électrique général du quartier qui est régulièrement sabotée, ce qui a l’avantage de non seulement couper l’alimentation des caméras mais également de plonger le quartier dans le noir, compli-quant davantage la sale besogne des agents de l’Etat.

Une petite chronologie succinte (car elle est uniquement basée sur les articles de la presse régionale qui comme toujours sélectionne et suit les ordres que le pouvoir lui impose) des actes de rébellion qui se sont succédés aux “408” en janvier, février, mars et avril 2015:

-Jeudi 8 janvier vers 22h, deux jeunes au visage masqué s’attellent à couper l’électricité du quartier. Surpris en flagrant délit par une patrouille de la BAC (alertée par une balance du secteur), les deux jeunes sont malheureusement interpellés.
-Bénéficiant de nombreux renforts, notamment d’un escadron de la gendarmerie mobile de Lure, les flics interviennent en masse dans le quartier entre mardi 13 au matin et après-midi du jeudi 15 janvier.

Depuis quelques temps, un bon nombre d’apparts des barres HLM de Grand Besançon Habitat sont inoccupés, ce qui n’a pas échappé aux jeunes du quartier qui les ont réquisitionnés pour y vivre, se retrouver et s’organiser, mais aussi pour entreposer du matos bien pratique à l’accueil des chiens en uniforme du pouvoir.

-La riposte ne tarde pas: mardi 13 janvier vers 20h00, le boîtier électrique est une nouvelle fois saboté dans le quartier de la Grette. 3 personnes en train de prendre la fuite sont repérés par une patrouille de flics, qui repart bredouille sous une pluie de cailloux…

-Jeudi 15 janvier vers 22h30, la vengeance continue de plus belle: rebelote pour le boîtier électrique du quartier, qui est de nouveau incendié. Les saboteurs ont pris le soin de placer des containers à poubelles en feu à travers les rues afin de retarder l’intervention des keufs et des pompiers.

-Durant la dernière semaine de janvier, on apprend que la circulation du tramway a été perturbée par l’incendie du transfo. Qu’à la même occasion, les feux de signalisation ont disfonctionné, ce qui a bien foutu le dawa dans les flux de la ville-prison.

Afin de rétablir la surveillance, la mairie a décidé début février de reconfigurer l’éclairage public en installant des spots d’éclairage directement sur les immeubles et branchés sur une autre voie d’alimentation que le boîtiter électrique maintes fois grillé.

– Pendant deux nuits successives (23 et 24 février), les mâts supportant les caméras au niveau du bâtiment 27 ont subi plusieurs assauts: le 23, le mât a entièrement été scié et la caméra a par la même occasion disparu. La nuit suivante, l’électricité du secteur a été coupée, mais le mât a cette fois-ci tenu bon avant l’arrivée des flics, qui sont arrivés dans l’obscurité totale sous une pluie de boules de pétanque. Les services de la ville ont le lendemain mis la caméra à l’abri [2].

CSUUne semaine plus tard (lundi 2 mars), les flics interviennent en masse après qu’un mât soit de nouveau attaqué à la disqueuse, Les bleus reçoivent tout un tas de projectiles depuis les hauteurs des immeubles. Une personne est interpellée.
Dans la soirée du 7 mars, le transfo est une fois de plus ravagé par les flammes. Une quarantaine de CRS viennent épauler les pompiers dans leur intervention et se fait copieusement caillassée.

Dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 avril 2015, une ou plusieurs personnes s’en prennent à trois reprises au coffret de dérivation qui alimente en électricité les quartiers des 408 et de Velotte. A la suite de l’incendie, l’électricité a été coupée le reste de la nuit, rendant inactives les caméras de surveillance du secteur.

Notes:

[1] Mi-juin 2014 ont débuté les attaques contre les caméras. Celles-ci à la suite des émeutes au début du mois: une des cinq caméras nouvellement installées avait permis aux flics d’identifier 6 personnes ayant participé à la révolte contre la police lors d’une interpellation d’un jeune du quartier : deux mois avec sursis pour les deux femmes d’une quarantaine d’années et 8 mois ferme pour les quatre autres. Un des quatre, G. – accusé d’avoir incité à l’émeute en criant “aidez-moi, aidez-moi, empêchez ces chiens de m’embarquer” – a été jugé le 15 janvier et condamné à 8 mois de prison ferme avec en plus son placement sous surveillance électronique (port d’un bracelet au mollet). Il devra aussi verser 600 euros aux trois flics (200 euros chacun).

A la suite de la première attaque de caméra, les flics ont identifié et arrêté une personne qui a été condamnée à 7 mois de prison dont 4 avec sursis et mise à l’épreuve avec mandat de dépôt. La mairie lui a en outre réclamé une somme à hauteur de 4.645€ pour les dégâts.

Fin septembre, plusieurs caméras ont été prises pour cibles, tout comme les flics et pompiers venus rétablir l’ordre dans la foulée.

[2] D’après plusieurs études, le coût d’une caméra installée oscille entre 15 et 20.000 euros, alors que seule elle coûte environ 1500 euros.