Voici quelques tracts et affiches distribués et collées dans plusieurs villes à l’occasion des manifs contre la loi « travail ».
Le travail est à la vie ce que le pétrole est à la mer
Souvent. Trop souvent. On apprend à abandonner. Parce qu’il faut pas rêver. Parce que c’est comme ça. Parce que c’est mieux que rien. Parce qu’on a trop l’habitude de se faire avoir…
Juste un temps, que la routine quotidienne soit bousculée. Et que ce temps dure, putain. Et que la routine, l’ennui, la honte des poches vides, la sale gueule du travail, nous rappellent juste le temps d’avant.
On se balade entre sourire carnassier de gouvernant et professionnel de la politique, rendez-vous syndicaux et matraque de l’État.
On attend encore, on espère peut être. Face à un truc qui ne sait dire son nom. Personne ne sait comment démarrer. Les centres ouvriers désertés, masse de chômeurs, ou de bosseur, la débrouille nous a dispersé.
Il n’y a pas si longtemps, l’avenir faisait rêver. On disait, en l’an 2000, il y aura ceci, et tout ça, tout ça. Et encore mieux. Et puis l’an 2000 est arrivé. D’un ennui, mortel. L’État et les capitalistes nous ont appris à ne plus espérer. La restructuration de la forme de la production, les concurrences mondiales renforcées, les guerres qu’ils se mènent entre eux. tutti quanti. Plus personne ne peut espérer une quelconque amélioration, encore moins espérer un monde meilleur. Et le bizness n’en tourne que mieux.
On va continuer, encore longtemps, sûrement, à se casser les dents, à critiquer seulement le gouvernement, au jeu du politique, à chercher à se représenter, à croire au petit jeu du leadership dissimulé ou pas, des politiciens en herbe ou aguerris.
C’est des moments, aussi, pour réapprendre à se parler, à ne plus réfléchir tout seul, à découvrir ce que l’on veut faire. A se battre aussi. Et à se remettre, surtout, à rigoler. Et trouver, à abattre, leur ennui, leur morale, leur fric et leurs usines, leur force et nos peurs, leur classe et tout ce qui la maintient.
[Texte distribué pendant la manifestation du 9 avril à Paris]
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Contre cette société, ses flics, et ses jobs pour morts-vivants, il faut que nous arrivions à constituer un mouvement de sédition généralisée.
Si, quantitativement, il n’y a pas encore beaucoup de luttes à faire converger, il y a au moins quelque chose de plus léger dans l’atmosphère, une faille qui s’ouvre. Élargissons la !!
LE TRAVAIL, qu’on en ait pas ou qu’on cherche anxieusement à le conserver, C’EST L’ÉPOUVANTAIL QUI NOUS EMPECHE DE NOUS POSER LE TEMPS NECESSAIRE POUR PENSER LA VIE QU’ON VOUDRAIT AVOIR.
Et la Police n’est là que pour surveiller les travailleurs, et terroriser ceux qui ne veulent pas en être…
… ARRÊTONS LE TRAVAIL !
…DÉTRUISONS LA POLICE !
La normalité s’est enfin cassée la gueule : ne la laissons pas se relever !
(À défaut d’y parvenir : mettons lui un bon coup de pied en passant).
Des divergents.
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Nous sommes contre le travail
Parce que nous sommes contre un système qui repose sur l’exploitation de tout et de tou-te-s.
Parce que les administrateurs de ce monde transforment l’ensemble du vivant en marchandises sur toute de la planète.
Parce que cette société n’a d’autres choix à nous proposer que la mise au travail, quelques miettes pour survivre ou l’enfermement pour les indésirables et les récalcitrant-e-s.
Parce que le travail c’est vendre son temps, ses énergies, son corps et son esprit à des patrons, à des chefs, à des machines.
Parce que le capitalisme et l’État prétendent avoir la main mise sur tous les aspects de notre vie et nous dépossèdent de plus en plus de toute autonomie et même de nos rêves de quelque chose de profondément autre.
Parce que ce système de production effréné ne laisse pas d’en-dehors où chacun-e pourrait décider librement de ses activités.
Parce que Papa Etat ne garantit des droits qu’au prix de notre liberté ; c’est le même qui lâche ses chiens de garde dans la rue, crée et militarise les frontières et fait la guerre aux quatre coins du monde.
Parce que les restructurations (qu’ils appellent « crises ») signifient le durcissement de la misère, du cannibalisme social, des techniques et des technologies de contrôle.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore nous sommes non seulement contre le travail mais surtout contre le monde qui en fait un pilier et un horizon indépassable.
Si nous ne voulons pas aménager la longueur de nos chaines mais bel et bien les détruire, il n’y a ni négociation ni dialogue possible avec le pouvoir quel qu’il soit. Il s’agit donc de mener cette lutte au-delà des limites qu’essaient de nous imposer tous ceux qui ont intérêt à ce qu’elle étouffe dans les cadres existants (dont font partie les politiciens et les co-gestionnaires de tous ordres).
Au lieu de toujours suivre des agendas posés par d’autres la question est d’étendre la révolte en décidant nous-mêmes de ce contre quoi nous voulons l’exprimer, en imaginant mille et une manières pour bouleverser ce monde, en nous associant et en nous auto-organisant sans chefs ni hiérarchie, en prenant l’initiative, individuellement et collectivement et par l’action directe.
Ainsi il devient possible d’affronter les puissants qui prétendent nous dicter leur loi, pour en finir avec la guerre permanente qu’ils nous livrent à coup d’autorité, de fric et de flics.
Les grands événements citoyens et médiatiques sont conçus pour réduire la révolte à une simple indignation démocratique et pour la faire rentrer dans les rangs de la politique et de la représentation. A l’inverse, s’attaquer directement à ce qui permet à ce système de fonctionner et de nous faire fonctionner ouvre à des possibilités d’arracher l’espace indispensable pour développer d’autres rapports.
Les blocages et les sabotages ne sont pas de simples mots d’ordre, mais des pratiques bien réelles ouvrant des chemins pour sortir de la routine de l’exploitation et de la logique de consommation, y compris du spectacle de la contestation.
Car, tant que les métros transportent le bétail humain, tant que le courant électrique alimente les usines de mort et les laboratoires du contrôle, tant que l’argent continue à circuler, tant que les écrans continuent de diffuser la propagande, tant que les fibres et les antennes assurent notre dépendance, tant que les artères de la ville impriment leur rythme à nos corps et nos esprits, tant que …
… alors brisons le train-train quotidien !
[Tract distribué à Paris lors de la manifestation du 5 avril.]
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Contre ce monde d’esclaves et de misère …
Face à notre passivité et notre résignation, l’État nous concocte des projets toujours plus dégueulasses et humiliants. Le rêve des riches et de tous ceux qui aspirent à ce monde de fric et d’exploitation est de nous voir trimer sans broncher pour leurs profits, nous qui sommes contraints d’accepter n’importe quel boulot pour pouvoir survivre. Oeuvrant main dans la main avec les patrons, l’État veut nous rendre cette « vie » toujours plus insupportable.
Les différentes lois que le pouvoir cherche à nous faire avaler visent à nous aliéner encore davantage et nous forcer à accepter le fondement de leur société pourrie, fondée sur l’exploitation et la guerre de tous contre tous : entre ceux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas ; entre les pauvres sans emploi et ceux dépourvus de papiers, qui fuient les guerres et la misère, s’affranchissent des frontières ultra-sécurisées et s’opposent aux chiens de garde des États. Toutes ces divisions entre exploités, qui ne sont que le reflet de ce monde compétitif et carcéral pour lequel le pouvoir oeuvre chaque jour, sont autant de barrières à abattre.
Face aux humiliations quotidiennes et à la misère de ce système, certains absorbent tout un tas de drogues, légales ou illégales, se suicident pour fuir les conditions de soumission et d’oppression dans lesquelles les dominants nous maintiennent. Bien que la grande majorité se conforme à cette existence immonde en léchant le cul des possédants ou en s’imprégnant de leurs valeurs (celles de la délation, du fric, de la propriété, du racisme, etc…), d’autres se révoltent, individuellement ou à quelques uns, en s’attaquant et détruisant une partie de ce qui constitue la richesse des exploiteurs.
Allons-nous continuer à courber l’échine, à suivre comme un troupeau au moindre coup de sifflet des syndicats, premiers partenaires (collabos !) de l’État, qui négocient depuis toujours à quelle sauce on va se faire bouffer ? A défiler sagement tous les 36 du mois derrière des banderoles et des slogans réformistes, avec un parcours entièrement quadrillé par les flics ???
Y’a plus moyen de rester en rang, du domicile au turbin, des stations de tramway aux supermarchés et centres commerciaux, tout ça au beau milieu d’un urbanisme de caserne, sous l’oeil de képis payés à nous fliquer et à nous pourrir notre existence. Cessons de subir le tram-tram quotidien. Bloquons tout.
Si nous descendrons dans la rue prochainement, ce n’est pas uniquement pour nous opposer à une loi qui consolident les chaînes liant les exploités et les opprimés aux patrons et aux maîtres de ce monde. A l’heure où le pouvoir quadrille tout le territoire de ses uniformes de plus en plus surarmés, il est plus que jamais temps de prendre la rue pour refuser d’être réduit à l’état d’esclaves.
Ça ne sert à rien de ruminer et de râler, que ce soit dans notre coin ou sur les réseaux sociaux. Il est temps d’agir, de s’organiser, tout en gardant à l’esprit que pour faire le plus de mal à l’ennemi, il est nécessaire de rester imprévisibles, spontanés et incontrôlables.
Renouons avec de vieilles pratiques révolutionnaires que nous n’avons plus pratiquées depuis trop longtemps : la grève sauvage, le blocage, le sabotage, et plus si affinités…
Pas de compromis avec ceux qui nous font la guerre !
… Engouffrons-nous dans le chemin de la révolte !
[Une affiche collée à Besançon en marge de la mobilisation contre la “loi travail” du 9 mars]
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Nous n’avons rien à défendre
Ni des loi supposées nous garantir, ni un quelconque travail supposé nous permettre de nous « réaliser ». Le travail n’est rien d’autre qu’exploitation, fatigue, ennui, humiliation. Toute loi n’est que l’expression de la domination de certaines couches sociales sur d’autres, qui constituent la majorité de la population. Nos fameux « droits » ne sont que le paravent du marchandage entre notre docilité et l’expropriation de nos vies.
Nous sommes nombreux à descendre dans les rue, ces jours-ci. Journalistes, syndicalistes et politiciens (même « alternatifs ») voudraient nous enrégimenter derrière le simple refus de la loi Travail. Mais, en fait, on s’en fout de cette énième reforme d’un code du Travail qui est là pour nous atteler au turbin. On crache sur l’esclavage à vie du CDI comme sur la galère quotidienne de la précarité. Ce qui remplit les rues ces jours-ci, c’est le ras-le-bol envers ce monde de plus en plus invivable. Ce qui apparaît là, c’est un refus du travail, la conscience peut-être encore imprécise mais bien présente que toute loi est une chaîne. Il y a ici et là quelques petites secousses dans la normalité de cette société : des frémissements dans lesquels nous pouvons voir un refus de la soumission et de l’impuissance quotidiennes, une mise en cause de la résignation généralisée.
Ce monde est invivable. D’un côté un État de plus en plus répressif – la carotte de l’État social étant en fin de course (pas pour toutes les catégories, bien sûr : le vieux précepte de diviser pour mieux régner est toujours efficace), il ne reste que le bâton. De l’autre côté, des prétendues alternatives qui ne représentent que la volonté de faire gérer cette même société par des syndicats et des partis de gauche, qui n’ont même plus d’illusions à vendre. Ou bien de sinistres cauchemars qui donnent une couleur encore plus morbide à l’autorité : replis communautaires, retour du religieux et de l’oppression morale.
Dans ce panorama sombre, s’attacher à un coin de territoire ou à une situation sociale donnée, revient à jouer sur la défensive, à renoncer à l’audace des rêves. Mais ni une quelconque zone à défendre dans un monde englouti par des nuisances, ni une Justice qui est là pour sanctionner l’inégalité et la privation de liberté, ni quelques droits à se faire exploiter tout le long de la vie, ne pourraient jamais nous suffire.
Cette petite fissure dans la normalité que ce sont les mobilisations avec l’excuse de l’énième modification du code du Travail, nous voulons l’agrandir, pour qu’elle devienne une brèche, d’où atteindre la fin de l’exploitation. Faisons en sorte que le vase qui commence à déborder se casse. Ne nous contentons pas des promesses politiciennes, chassons les médiateurs sociaux (comme les syndicats), déchaînons notre rage contre cette société qui nous vole, jour après jour, nos vies. Attaquons-nous aux bases morales et sociales de l’autorité. Et aussi à ses structures matérielles : magasins, lieu de productions, bâtiments publics, véhicules, moyens de transport de personnes, de marchandises et d’énergie… Attaquons-nous aux hommes et femmes qui l’incarnent : flics, patrons, juges, chefs de toute sorte, bureaucrates, vigiles, politiciens, matons… A nombreux, en petits groupes ou seuls, le jour comme la nuit, quand et où le pouvoir ne nous attend pas.
Un graffiti récent, souvent repris, dit : « le monde ou rien ». Mais nous n’avons rien à défendre dans ce monde qui ne nous appartient en rien, et auquel nous n’appartenons pas. Un monde qu’on veut détruire.
La fête ne nous attend pas que sur ses décombres, mais déjà dans la révolte, ici et maintenant. Il n’y a pas de retour en arrière.
Contre toute loi, contre le travail. Contre ce monde d’enfermement et d’exploitation.
Pour la liberté !
[Affiche collée à Paris, avril 2016]